Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Cardiotraining à Montréal

Cardiotraining à Montréal

Impressions d'un cardiologue français parti s'expatrier au Québec avec sa famille.


Alors, pourquoi avoir quitté la France ? (3)

Publié par Xavier sur 24 Octobre 2012, 20:12pm

Catégories : #Quitter la France

Money is money

 

Evidemment il n'est pas question de penser que l'argent puisse être le moteur pour motiver une telle décision, et c'est plusieurs mois après avoir entamé la procédure que je me suis intéressé à la question, voulant tout de même être certain que cette décision ne mettrait pas en péril la famille. J'ai donc demandé simplement au président du syndicat de cette coorporation quel était le revenu moyen d'un cardiologue au Québec. Quand j'ai reçu la réponse, il a fallu que je la relise à plusieurs reprises pour être bien sûr. C'est certain, celle-ci n'allait pas être un frein à notre départ !

dark-side-of-the-moon.jpg

En préalable il faut bien tout de même préciser certaines choses sur notre situation. Lorsque je me suis installé il y a 16 ans, les cardiologues en France vivaient très bien. Vraiment très bien. Rien à voir avec ceux des années 60-70 mais quand même, on n'avait jamais vraiment besoin de compter. Je m'étais donc installé en secteur 1, avec donc des cotations définies par la caisse d'assurance maladie, sans dépassement. Rapidement j'ai déchanté. Notamment car il était impossible de revenir en arrière et de choisir le secteur 2.

Depuis, et ce en 16 ans, les revenus ont baissé chaque année. Entre 1/ les baisses autoritaires de la part des caisses pour certaines cotations et notamment de celle qui est la plus importante pour nous, à savoir l'échographie cardiaque, 2/ la non revalorisation des actes et ce depuis 1989, avec donc l'inflation tous les ans qui vient les baisser, 3/ les hausses de charges également autoritaires (Urssaf, Carmf) ... j'ai calculé assez simplement, en franc (euro) constant, une baisse de ma rémunération à l'heure entre 60 et 65% soit pratiquement divisée par 3, et ce en 16 ans.

Jusqu'à quand cela allait-il durer ? On peut dire que le simulâcre d'accord qu'il vient d'y avoir entre les syndicats de médecins (inutiles et même nuisibles), les caisses et les mutuelles ne sont pas des signes annonciateurs de changements quelconques. Cela va continuer, et on peut même se demander s'ils ne seront pas contents que lorsque les médecins français gagneront difficilement le SMIC. Dernière minute ! Je viens d'apprendre que ce dernier fameux accord ne prévois non seulement aucune revalorisation des actes de cardiologie en France (comme c'est le cas depuis 1989 ... la chute du mur de Berlin !), mais encore une baisse de 7% étalée sur trois ans cette fois sur l'échodoppler vasculaire périphérique, à laquelle il faudra ajouter comme d'habitude l'inflation de 3% par an environ si elle ne remonte pas. Soit une décote annoncée de ces actes techniques dans les trois ans prochains, en euro constant, encore de 15% minimum !!! Trop c'est trop ! ...

Parlons donc un peu gros sous, et mettons le change de 1 euro à 1.26 dollars canadiens, ce qui est une moyenne récente.

dollar-canadien.jpg

Inutile de faire durer le suspens, les médecins gagnent au Québec bien mieux leur vie qu’en France.

 

  1. Les actes sont mieux rémunérés au Québec qu’en France, ou les actes n’ont quasiment pas été revalorisés durant 30 ans, entrainant une lente érosion des revenus des médecins. Si la consultation d'un généraliste est à 23€ en France, elle est à 98€ au Québec.
  2. Les médecins exercent ici en établissement public, et n’assument pas eux même les frais de fonctionnements des locaux (Le ménage, l'électricité, les les secrétaires, les loyers ... sont à la charge de l’état). Mais ils sont payés à l'acte. Comme chez nous en médecine libérale.
  3. Les cotisations sociales sont moindres. En contrepartie certains avantages sociaux sont moindres également. Ici pas de CARMF, il faut se faire sa retraite par capitalisation. Ce qui a un énorme avantage : celui de mettre ce que l'on veut, au rythme que l'on veut, et de ne pas voir son point de retraite baisser régulièrement comme récemment de 10% en France ! Bref on se fait sa retraite, mais on aura une retraite ! 

Au Québec, 98% de la médecine est publique : Pour ma part, je n'ai pas le choix, je dois exercer dans le public, en hôpital. Les médecins y sont affiliés à la RAMQ (Régime d’Assurance Maladie du Québec, la sécurité sociale locale), les patients ne payent pas les médecins (aucune franchise d’aucune sorte) mais présentent leur carte soleil (la carte vitale locale) et la RAMQ rémunère les médecins pour leurs actes en fonction d’une cotation négociée. Il n’y a aucun dépassement d’honoraires. Pour être affilié à la RAMQ, le médecin doit abandonner sa liberté d’installation et ne peut exercer la médecine que dans un établissement ou un "PREM"est disponible.

 

  • Les actes sont-ils mieux valorisés au Québec qu’en France?

Oui, assez largement. Pour vous donner une idée, la consultation chez le médecin généraliste est coté environ 125$, et la consultation chez le psychiatre environ 200$. Les actes de chirurgie sont en moyenne deux fois plus valorisés.

 

  • Donc les médecins au Québec gagnent mieux leur vie qu’en France?

Effectivement. Puisque vous les attendez, quelques chiffres:

Les omnipraticiens gagnent en moyenne au Québec 202.000$ brut annuellement en moyenne.
Ce « brut » est différent de la France dans le sens ou vous n’avez pas de charges de cabinet à assumer car vous travaillez dans un établissement public. Il n’y a pas d’URSSAF non plus et le prélèvement unique a un taux marginal de 48,2%.

Les spécialistes gagnent eux 316.000$. Il y a des différences en fonction des spécialités:

  1. 240.000 pour les psychiatres
  2. 480.000 pour les chirurgiens cardiaques
  3. 375.000 pour les urologues
  4. 266.000 pour les néphrologues
  5. 363.000 pour les cardiologues
  6. 530.000 pour les radiologues, champions incontestés

Bien sur ce sont des moyennes, et près de 60 médecins ont déclaré des revenus nets supérieurs à 1 million de dollars par an (essentiellement des radiologues, des chirurgiens et des anesthésistes).

Il faut regarder la colonne de droite pour les rémunérations moyennes.

Et au sein même des spécialités, il y a de fortes disparités car les médecins sont payés en fonction du travail effectué et donc du nombre d’actes. De nombreux médecins pratiquent en effet à mi temps ou à 2/3 temps, notamment en fin de carrière ou les médecins préfèrent ralentir fortement leur activité plutôt que de s’arrêter (l’âge moyen de cessation de toute activité pour les spécialistes étant autour de 72 ans…).  

Comme en France en médecine libérale, vous ne disposez d’AUCUN régime de protection. Il est donc INDISPENSABLE que vous souscriviez diverses assurances, surtout quand vous êtes en bonne santé (vous serez plus difficilement assurable par la suite).

  1. Assurance accident du travail : Maintient de 70% du salaire après une franchise de 1, 2 ou 3 mois
  2. Assurance Invalidité, Maladie grave
  3. Assurance décès
  4. Assurance Médicament, bien sur

Par contre vous avez droit à la RAMQ bien entendu, ce qui comprend les hospitalisations et les médicaments que l’on peut vous y prescrire, les consultations externes, les actes d’imagerie, de biologie. Reste à votre charge de souscrire une assurance médicament complémentaire.

Comptez 350$/mois pour une assurance familiale comprenant un remboursement de 80% des frais de médicament (avec un maximum de 500 à 1000$ par an à votre charge) ainsi qu’une couverture complémentaire couvrant l’optique, le kiné, l’ostéopathe…

 

  • Et le régime d’imposition? Similaire à la France?

Pas vraiment. Il n’y a pas d’URSAFF par exemple, et tout est unifié dans un seul prélèvement.

Enfin deux plutôt:

Il existe un impôts fédéral (le Canada), dont le taux marginal est de 24.2% pour les revenus supérieurs à 130.000$, et un impôts provincial (le Québec) dont le taux marginal est de 24% pour les revenus supérieurs à 80.000$.

Les médecins étant considérés comme travailleurs autonomes, l’impôt n’est pas prélevé à la source.

Ainsi pour un revenu de 200.000$, et sans optimisation fiscale, la part totale des impôts pour un médecin célibataire sans enfant s’élèvent à 80.000$, donc 120.000$ SUPER NET. Pour un revenu de 350.000$, le super net sera de 191.000$. Mais il y a des optimisations fiscales, comme partout, et il est finalement assez simplement de nettement réduire cet impot. 

 

  • Bon, et si on compare à la France?

J’utilise un taux de conversion moyen de 1€ = 1.26$CAD et je convertis en euros. Prenons le cas d’un médecin célibataire sans enfant. La fiscalité des familles mariées avec enfant est légèrement plus avantageuse en France qu’au Québec (en dehors de l'optimisation fiscale par incorporation qui permet de rémunérer chaque membre de la famille et donc de multiplier les déclarations, à des taux plus bas d'imposition).

  1. Le revenu brut avant impôts d’un généraliste en France sans optimisation fiscale: 69000€. En super net: 53000€, soit 4400€ net par mois.
  2. Le revenu brut avant impôts d’un généraliste au Québec sans optimisation fiscale: 200.000$. En super net après impots 8540€ par mois

Les médecins québecois gagnent en moyenne 94% plus que leur homologue français.

 

Exemple pour la cardiologie:

  1. Le revenu brut avant impôts d’un cardiologue libéral en France sans optimisation fiscale: 95000. En super net: 73000€, soit 6083€ net par mois
  2. Le revenu brut avant impôts d’un cardiologue au Québec sans optimisation fiscale: 363.000$. En super net après impots , 13527€ par mois.

Les cardiologues au Québec gagnent donc 122% plus que leurs homologues français.

      Comme les actes au Québec vont monter (il y a des hausses programmées) et que ceux en France vont baisser comme annoncé, ce différentiel va croître encore dans les années qui viennent. 

  • Et vous connaissez le comble dans tout ça?

Les médecins québecois fuient assez massivement vers l’Ontario, l'Alberta ou vers les USA car le Québec est la province du Canada où les médecins sont les moins bien payés et là où les impôts sont le plus élevés. On estime ainsi que les médecins gagnent 40% de plus dans les autres provinces…l’herbe est toujours plus verte ailleurs…

Moi j'y vois un énorme avantage : le Québec va continuer d'augmenter les revenus de ses médecins, comme cela a été le cas assez massivement il y a quelques années et comme c'est déjà prévu pour les années à venir. C'est l'fun non ?

dollars-canadiens.jpg


D'autres chiffres de comparaisons : 

 

Salaire moyen net avant impôts pour un célibataire en France: 1600€/mois
Salaire moyen net avant impôts d’un généraliste français: 5250€/mois
Donc un rapport de 3,2
Salaire moyen avant impôts pour un célibataire au Québec: 2800$/mois
Salaire moyen avant impôts d’un généraliste québécois: 16000$/mois
Donc un rapport de 5,7

 

 

 

Attention : Tous ces chiffres ne veulent pas dire "venez au Québec, car vous y gagnerez mieux votre vie" mais "Si vous venez au Québec, voilà ce qui vous attend" ! 

Merci au Dr Julien Cohen, comme moi médecin français tentant sa chance ici, pour son travail de recherche dont je me suis largement inspiré pour cette page. 


 

 

 

Voici le dernier tableau des revenus des médecins québécois, paru récemment dans Le Devoir.

Voici le dernier tableau des revenus des médecins québécois, paru récemment dans Le Devoir.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents